Les péripéties de Miss Docteure de Ouf

#19/ Dame Dudoute et Fantomas

Sachenka me passa donc un coup de fil après sa séance avec Cécoin, car elle voulait aller se dégourdir les gambettes.

Elle me dit » Alors la Mère Dudoute, on se fait une petite balade au bois ?  »

Comme j ‘hésitai entre ça et faire quelques courses dans l ‘espoir d ‘apercevoir Fantomas, l ‘élu invisible de mon coeur, elle trancha devant mon ambivalence temporaire, et je me preparai à la hâte, enfilant une tenue de bois.

Je pouvais passer des heures à hésiter entre deux choses jusqu’à épuisement, désirant autant l ‘une que l ‘autre, dans un cycle sans fin qui rend fou.

Je rejoignis Sachenka au coin du bois, et nous sommes parties d ‘un bon pas.

Le domaine recelait de jolis coins, et chaque fois que je m ‘y promenais je rencontrais des tas de gens détendus, souriants et parfois quelques bizarres déboulaient d ‘un fourré, me causant de belles frayeurs.

Mais mon problème récurrent au bois était de croiser les chiens types molosses non tenus en laisse par leur maitre négligeant.

Sachenka s ’en était aperçue et nous nous comprenions, car de son coté elle se trimballait une phobie sur les araignées qui l ‘obligeait à des conduites d ‘évitement gaspilleuses de temps.

En effet avant de vous raconter ma folie des chiens de type angoisse de castration, par peur d’ être mordue, je vais vous raconter comment Sachenka se décomposait à la vue d ‘un arachnide.

Dans le bois c ‘était diffèrent, Sachenka estimait qu’elle était sur leur territoire, et donc les ignorait, mais par contre, toute araignée qui rentrait dans l ‘immeuble risquait sa vie en croisant celle de Sachenka.

Sachenka était équipée de bombes fulgurantes et d ‘un balai, et récemment elle avait acquis un appareil destiné à déplacer les insectes à distance sans les toucher, et donc pour ne pas les tuer...
mais il fallait que la bête soit par terre et statique… donc il servait peu.

Fut une époque, elle dégommait toute bestiole de taille raisonnable, sans aucun scrupule, puis avait développé au fil de sa propre psychanalyse de la culpabilité, et n ‘arrivait plus vraiment à les éliminer sans s ‘en vouloir.

Elle m ‘avait dit un jour épouvantée » Tu te rends comptes c ‘est le meme principe de fond que Hitler, il haïssait les juifs, et il les exterminait, et moi je déteste les araignées et je fais pareil! !  »

Elle se trouva donc coincée, ne pouvant plus les tuer, et n ‘ayant pas réussi pour autant à dépasser sa hantise, elle perdait un temps fou donc pour aller à son garage, piquant des colères phénoménales pour le coup.

Quand j ‘étais là, elle supportait de passer dans le sas entre le garage et l ‘ascenseur , si je faisais barrage entre elle et la bête , mais sinon elle devait faire tout le tour de l ‘immeuble pour accéder à son garage par le sous terrain, au lieu de descendre simplement en ascenseur.

Un jour qu ‘elle était venue me chercher, au tout début que je la connaissais, nous devions aller en ville en voiture, et elle aimait bien se faire conduire, ce qui m ‘allait tres bien aussi.

Elle ne savait pas que j ‘avais une voiture garée au sous sol, et soudain quand elle vit que j ‘appuyais sur le bouton -2, elle commença à blêmir, et à claquer des dents.

Mais en plus pas de bol ce jour là, il y avait en effet un « monstre » ( comme elle les nommait) qui trônait en plein milieu du sas, dans l ‘angle du mur en hauteur et à gauche.

Mais comme je ne m ‘attendais pas à sa réaction, je fis un bond de surprise quand elle s ‘accrocha aux portes de la cabine refusant d ‘en sortir et disant « nonononononon nonononnono o pitié mon Dieu maman maman o non maman!! !  » les yeux rivés sur la bête, dont je m ‘aperçus enfin de la présence.

Sa peur était contagieuse, elle criait ce qui résonnait beaucoup, pire elle courrait dans tous les sens dans la cabine de ce sous sol après avoir appuyé sur tous les boutons des étages, et avoir coincé l ‘engin entre deux. Elle imagina que du coup la bestiole allait être avec nous dans la cabine, bref j ‘avais bien du mal à la calmer. On aurait dit une folle ! Le comble pour une psychiatre! !

L ‘ascenseur redémarra,et arrivées au RDC, elle sortit comme une furie, se ruant dehors. Je ne savais pas si je devais rire ou pas, car il faut reconnaitre que se mettre dans un état pareil pour une bestiole, ça parait dingue, mais bon, je me souvenais de ma peur des chiens dans le bois alors je ne la jugeais pas..

Du coup Sachenka avait un garage mais évitait le chemin d ‘accès le plus court, car il était une sorte de gare de stockage pour les arachnides, qui on ne sait pour quelles raison transitaient souvent par là. LOL

Pareil quand je devais l ‘emmener quelque part, je venais la chercher en bas de chez elle en voiture, et lui évitais bien du stress.

Quand je repense à cette scène, je suis morte de rire, mais si j ‘ai sur Sachenka un gros dossier à poster, on peut dire qu ‘elle aussi en a un sur moi car entre les chiens que j ‘évite au bois, et Fantomas après qui je courrais, elle avait de quoi rigoler aussi.

Donc Sachenka m ‘ayant téléphonée et sortie de mon ambivalence fantomatique, nous voici enfin dans le bois en train de papoter de nos semaines respectives.

Il faisait beau, ça sentait bon le pin, un léger vent nous rafraichissait. Le bois était composé de sentiers avec des tournants parfois à angles droits, et ce sont ces tournants que je redoutais.

Ce jour là donc nous crapahutions une petite pente rocheuse, j’ étais devant, tout en haut et soudain à ma gauche déboula un molosse Pitbull, accompagné de son maitre, le chien eut la frayeur de sa vie aussi, car il ne me vit pas arriver non plus.

Il s ‘arrêta net et nous nous regardions....le maitre arrivant juste derrière, comprit vite que j ‘étais au bout de ma vie à cause de son chien et il me dit » Hey ça va aller ?  »

Dans ma surprise, je poussai un cri aigu, et le maitre du chien qui était à l’autre extrémité de la laisse ria de ma frayeur, ce qui m ‘énerva.

Le molosse se dirigea vers moi, gueule béante, et je me mise à reculer,voyant ses dents en gros plan, alors que Sachenka avançait tête baissée derrière moi ignorant tout de ce qui se passait devant moi, si bien que je finis par lui rentrer dedans à reculons, et lui tomber dessus. Etant plus grande et plus lourde qu ‘elle, elle eut assez mal et...moi aussi.

...pendant ce temps là le chien et son maitre avançaient à vive allure vers nous pour nous doubler.
J’ étais par terre, galérant pour me relever, ce qui me fit paniquer et dire n ‘importe quoi aussi bien au mec qu’à son chien.

Sauf que moi ce qui sort de ma bouche n ‘est pas tres poli dans ces cas là...
Le mec qui était d ‘origine asiatique, ne sembla pas comprendre mon jargon. Il semblait appartenir à la légion vu son accoutrement.

Sachenka et moi, nous nous sommes relevées, mais comme nos têtes avaient cogné entre elles, j ‘avais le tournis...... et je vis le ciel tourner et le sol aussi autour de moi dans un vertige abominable.
Du coup je vis le chien passer dans le ciel, comme si j ‘avais la tête à l ‘envers, un peu comme ton écran de portable s ‘inverse.

Sachenka me dit que j ‘avais du me déplacer les cristaux de l ‘oreille, et que j ‘avais surement eu ça lors du choc de la collision. Sachenka n’ avait rien car elle avait mis un casque.

Je dus écourter ma promenade, et me dépêchai de prendre rv chez le docteur le lendemain, le verdict tomba : VPPB ou vertige positionnel !

Bref ensuite j ‘ai eu droit à deux semaines de rééducation, chez un kiné spécialisé du vestibule, l ‘oreille interne.

Et le fumier de kiné, prenait ma tête et me basculait le corps à droite , la tête vers le plafond puis retour assise, meme opération de l ‘autre coté.

L ‘objectif était de me déclencher le VPPB, jusqu’a’ le faire disparaître avec ces manoeuvres au bout de quelques séances.

Bref ce qu’il finit par faire, j ‘ai mis donc un certain temps avant de pouvoir et accepter de retourner au bois...il fallait retrouver un equilibre, car j ‘avais souvent une sorte d’ état d’ ébriété, sans compter les vertiges que j ‘avais déjà eu suite à une entorse cervicale, l ‘année d ‘avant, en tombant dans le meme bois, durant mon footing.

Bref, ensuite retourner au bois me rendait tres vulnérable, je ne pouvais plus courir, il fallait éviter les secousses, juste de la marche et encore au début tres doucement. ça m ‘a prise un mois pour refaire mon parcours sans me sentir tourner.

Du coup ça n ‘a pas arrangé mon problème avec les chiens, et quand Sachenka était là, je me cachais derrière elle, et sinon, je criais de loin au propriétaire du molosse : « SVP attachez le !!, j ‘ai peur des chiens »`

Les maitres ne coopéraient pas tous, prétextant que leur chien était gentil, alors je suais , et restais figée sur place, le temps qu’il passât.

ça me contractait tellement le cou, que je tournais quand j ‘en voyais un arriver au loin.je prenais donc des détours, puis j ‘ai développé une technique pour braver tout croisement de chien, à hurler de rire quand on me voyait.

En fait je m ‘arrêtais net, et tournais le dos au molosse, faisant semblant de regarder un truc au loin, et brandissant mon téléphone.

Hier encore mon stratagème a marché, et la réaction d ‘un molosse me fit hurler de rire quand je me retrouva seule, car lui aussi se mit à regarder dans la direction où je regardais, et il cherchait ce que je regardais, il était donc assis à coté de moi et regardait. Et moi je priais pour que son maitre arrive vite, et devoir faire bonne figure ensuite.

Oui j ‘avais trop la honte, d ‘autant que je n’ avais pas peur des chiens avant que je ne tombe enceinte. Bref ça avait commencé quand j’ étais enceinte, je redoutais que les chiens ne mordent mon ventre en les croisant, me sentant hyper fragile enceinte et sans défense.

J ‘avais expliqué tout ça à Sachenka, laquelle compatissait vu sa propre névrose…